Mellifluence
Pour ce premier jour d’une année que nous voudrions melliflue (un mot à réhabiliter, assurément plus accueillant à l’oreille et au cerveau que les horribles truchements et autres en capacité de), mais surtout résolument tendue vers de meilleurs horizons que 2020. Rien à ajouter à ces lignes de René Char, écrites en 1944[1]. Plus que des vœux pour une nouvelle année, un programme de vie.
« Pour élargir, jusqu’à la lumière – qui sera toujours fugitive –, la lueur sous laquelle nous nous agitons, entreprenons, souffrons et subsistons, il faut l’aborder sans préjugés, allégée d’archétypes qui subitement sans qu’on en soit averti, cessent d’avoir cours. Pour obtenir un résultat valable de quelque action que ce soit, il est nécessaire de la dépouiller de ses inquiètes apparences, des sortilèges et des légendes que l’imagination lui accorde déjà avant de l’avoir menée, de concert avec l’esprit et les circonstances, à bonne fin ; de distinguer la vraie de la fausse ouverture par laquelle on va filer vers le futur. L’observer nue et la proue face au temps. L’évidence, qui n’est pas sensation mais regard que nous croisons au passage, s’offre souvent à nous, à demi-dissimulée. Nous désignerons la beauté partout où elle aura une chance de survivre à l’espèce d’intérim qu’elle paraît assurer au milieu de nos soucis. Faire longuement rêver ceux qui ordinairement n’ont pas de songes, et plonger dans l’actualité ceux dans l’esprit desquels prévalent les jeux perdus du sommeil. »
[1]René Char, Recherche de la base et du sommet, Note sur le maquis.